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  Le journal Vidange est né d'une volonté commune à quelques individuEs et groupes d'affinités – des milieux anarchistes, anti-autoritaires et squatters - de se retrouver autour de thématiques plus larges que celles, devenues quasi exclusives ces derniers temps, de l'anti-carcéral et de la répression. (Bien que ces sujets soient incontournables dans la situation actuelle, et que la solidarité active s'impose à l'évidence avec les camarades subissant ou fuyant les foudres de l'Etat.) Du désir également de solidifier et diversifier des complicités qui s'étaient nouées, sur des proximités théoriques et pratiques, au fil des ouvertures de lieux, des campagnes de solidarité et de lutte, des manifs, des contre-sommets spectaculaires et autres rendez-vous fixés par le pouvoir, sur lesquels nous nous calons trop souvent (manque d'offensive).
  De l'envie de faire d'un journal autre chose qu'un simple rassemblement de textes et d'informations, mais l'occasion de partages pratiques et partages d'idées entre les diverses zones de l'Hexagone où nous sévissons (métropole, grosses et plus petites villes, et aussi, de plus en plus, zones dites rurales) ; l'occasion de débats, de questionner les séparations et contradictions qui nous constituent à l'image de ce monde : la révolte viscérale d'un côté et l'activisme de l'autre ; la haine des modes de vie intégrés et pourtant, bien souvent, la reproduction de normes et schémas dominants. Le dessein machiavélique de faire écho, et diffuser le plus largement possible, dans les lieux malfamés et de la main à la main, les pensées et méthodes de luttes antagonistes.
  Rien ne nous appartient dans ce monde : nos corps (ceux de l'Etat), nos affects, notre rapport aux autres (souvent de conquête et d'artifices propres au capital), le rapport à la violence, etc.
  Parfois, seule l'inconsolable soif de destruction semble être nôtre et entière, et bien sûr, les gestes et moyens grâce auxquels nous l'accomplissons par-à-coups nous manquent ; quant aux motifs et aux cibles, ils révèlent souvent une approche parcellaire des formes et des structures de la domination, laissant dans l'ombre – hors de nos attaques – les rouages infinis qui nous tiennent. Reste alors le goût amer d'inachevé, la rage inassouvie. Une certitude toutefois : il n'existe aucune échappatoire dans ce monde, aucune ligne de fuite sinon de marginales parallèles au capital, une version discount en quelque sorte, où l'on s'amuse à singer l'original, avec un vernis qui ne résiste à aucun assaut de l'intelligence et de la sensibilité.

  C'est pourquoi les participant/es à Vidange – bien que déterminéEs à dépasser certains réflexes de pensée et de langage, et à déborder les prés carrés thématiques habituels –, critiquent très vivement et, le cas échéant, luttent contre ceux et celles qui soufflent un air du temps pour ainsi dire postmoderne : où les préoccupations majeures sont celles qui touchent à l'individu, aux modes de vie et aux subjectivités ; où, par conséquent, la préservation de ceux-ci et des lieux où on les expérimente se fait parfois au prix de l'antagonisme social, au détriment des praxis qui constituent le rapport de force (squats, refus de la légalisation, des médiations, confrontations aux forces de l'ordre et autres uniformes).
   Bref, au détriment d'une lecture de classe du monde et des rapports sociaux, toujours aussi pertinente à nos yeux. Les modes de vie et les rapports que nous développons, le degré d'écartement des chaînes qui nous étranglent, sont étroitement liés aux formes de résistance, d'offensive, et aux moyens que nous mettons en œuvre. Nous n'expérimentons pas, nous luttons pour tenter de vivre et ne pas nous effondrer.

  La gageure de Vidange est donc celle-ci : multiplier les sujets de réflexion, les formes d'expression et les informations, ne pas afficher de strict parti-pris collectif, tout en évitant les écueils décrits ci-dessus et le ton béat et lénifiant (propres à certaines franges de squatters auto-centrés) ; tout en préservant une cohérence des perspectives. La tâche de diversification est rendue plus aisée par le mode de fonctionnement du journal : pas de comité de rédaction ou d'équipe définie, mais des participations et contributions qui se font au gré des envies et des complicités ; discussions et critiques collectives des textes (lors de diverses réunions échelonnées entre deux numéros) ; possibilité de proposer des textes sans participer à l'ensemble du journal ; volonté que les participantEs régulièrEs s'approprient les différents aspects de sa fabrication. Bien sûr, les envies quant au contenu du journal se heurtent à nos propres limites : nos ignorances dans de nombreux domaines, nos difficultés coriaces à aborder certains thèmes, la pauvreté de nos passions, les ornières de la rhétorique correcte qui confine parfois à la rengaine.

  Quant au fonctionnement, il se heurte à des considérations de nombre (insuffisant pour l'instant), de motivations (parfois), à ce qui peut apparaître comme une limite intrinsèque au choix de faire la place à des thèmes ou textes moins rodés : du coup, peut-être le sentiment d'un sombre bordel, livré tel quel, sans aiguillage ni unité apparente. Vidange est à l'image de ceux qui le font et le feront : faisant feu de tout bois mais faillant à tant, en guerre ouverte et asymétrique – adaptée aux configurations ; portant le glaive sur le sourire des maîtres et des contre-maîtres, schizophrènes, avides d'amour, de noise'n roll furieux et de silence abyssal.
  Le journal Vidange est ouvert à tous et toutes ceux/celles qui œuvrent pour que la guerre sociale et notre soif chaotique de liberté balaient ce monde.

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