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Technophobie/-- La Nausée a Germé de nos Ventres Inféconds
La chaleur estivale, tant espérée
le reste de lannée, est diabolisée par les médias
; elle est devenue catastrophe naturelle après lannonce de nombreuses
pertes humaines (été 2003). Pourtant la vie (et la mort) des anciens,
isolés, abandonnés de tous, bénéficie à lEtat
et aux institutions qui comptent bien récupérer leurs faibles
retraites dans ces hospices puants et inhumains. Mais ce ne sont pas les seuls
déshérités de leffroyable canicule, puisque les grandes
chaleurs anéantissent aussi le moral des agriculteurs. Ces derniers se
tournent alors vers les sauveurs de léconomie dévastatrice
; il faut limiter la consommation deau, aller vers des énergies
de substitution... Mais les terres fertiles ne sont pas à labri
de « parasites » et donc des produits toxiques, véritables
parasites eux aussi. Manger veut donc dire boire du lait à la dioxine
et des céréales aux pesticides. Et cest si bon ! Les mille
et un projets agricoles sur lextension des cultures et sur laccroissement
des productions stimulent lutilisation de pesticides.
Dans une société capitaliste, il semble que le choix dune
agriculture à petite échelle nest pas possible ; dailleurs,
plus personne ne profite de son maigre jardin pour cultiver, il y a le marché-super
qui remplace les petits lopins, expansion urbaine oblige. Enfin, cest
bien compris de tous que la production agricole doit être intensive.
Il faut nourrir ces citadins pressés qui ingurgitent, dans leur temps
libre consommable, les aliments issus des produits agricoles.
Cest en cela que les produits transgéniques et les pesticides se
font une place dans lesprit martelé et ramolli des sans-avis silencieux.
Les chercheurs ne manquent pas de travail, et de trouvailles de nouveaux cocktails
de composés subtilement destructeurs.
La « non-éthique » du clonage a délié les langues
séniles et surchargées des sénateurs ventripotents. Mais
lOGM ne perturba par leurs crétines allocutions, leurs borborygmes
et leurs pétomanies ; les produits transgéniques sont donc vendus
comme une amélioration des plantes, sur un mode gustatif autant que pour
leur résistance aux insectes et champignons « nuisibles ».
Létrangeté des choix des chercheurs fut de créer
des plants qui résistent au froid et aux pesticides. Non contente de
fabriquer des plants hors nature, elle fusionne avec lindustrie des pesticides.
Mais non, ce sont les même labos qui produisent les OGM anti-pesticides,
et les pesticides spécifiques aux OGM ; ou bien ce sont leurs concurrents,
enfin du même acabit.
Mais si je mangeais du transgénique, modifié pour résister
à tous les pesticides, et imprégnés dherbicide violent
qui fait place vide autour des plants (genre total Roundup), combien de temps
faudra-t-il attendre pour voir les premiers symptômes de mon dysfonctionnement
immunitaire ?
Les pesticides entrent dans un circuit industriel bien connu des régimes
autoritaires, où le rendement prévaut sur la santé de tous
et toutes. Ils sont le résultat dune synergie de différents
composants, et utilisés à toutes les époques et sur tous
les continents pour réduire les « nuisibles » de la chaîne
alimentaire.
Déjà, des traitements isolés
réduisaient les chances de survie des insectes dits nuisibles et autres
vers rongeurs ; ainsi, larsenic fut longtemps utilisé à
faible dose contre les doryphores qui attaquaient les champs de pommes de terre
au début du siècle ; le résultat à long terme est
évidemment une intoxication par les plantes consommées. Cependant,
les faiseurs de tort actuels épandent des produits défoliants,
fongicides, herbicides ou pesticides, sur des surfaces toujours plus grandes
; certes, ils protègent les villes et campagnes de la famine, mais à
quel prix ?
« Dans les années soixante, le Pakistan, lIrak
et le Guatemala ont connu des intoxications massives suite à la
consommation de céréales traitées avec des fongicides
à base de mercure. De nouveau, les populations concernées
ont servi de sentinelles biologiques à la population mondiale.»
(1)
Ainsi, le pesticide Nemagon, produit par la firme américaine Dow
Chemical et distribué à la Standart Fruit Company, continue
dintoxiquer les terres nicaraguayennes et celles du monde entier.
Une mobilisation des habitants et travailleurs de la région de
Chinandega (au Nicaragua) a soulevé le problème ; déjà
aux Etats-Unis, le produit, dont lingrédient actif est le
DBCP (dibromochloropropane), fut reconnu dangereux pour la santé
en 1958, mais seulement interdit en 1979 après avoir contaminé
les travailleurs ruraux et les ouvriers américains de lusine
chimique. Les stocks ne furent pas détruits, et la Standart lutilisa
dans toutes ses bananeraies contre les nématodes, petits vers qui
attaquent les racines des végétaux. Quand un pays linterdisait,
la Standart continuait de balancer du Nemagon dans dautres pays
dAmérique Centrale et des Caraïbes ; Shell fit de même
en Afrique. Ce pesticide, qui reste longtemps dans lenvironnement,
provoque des stérilités et des cancers ; les enfants des
travailleurs agricoles de Chinandega naissent avec des handicaps ou des
malformations. Encore une fois, les lois de léconomie ont
persistédans leur dévastation habituelle. Les ouvriers agricoles
sous-payés quand ils sont payés , servent de
cobayes aux usines agricoles dont la production ne pourrait fléchir
pour cause davaries ou de maladies.
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Le Régent avait déjà décimé
les abeilles de nombreuses régions, soulevant la colère des apiculteurs
et pénalisant les agriculteurs eux-mêmes ; devancé par le
Gaucho (Bayer) dans sa funeste tâche, le Régent est un pesticide
importé par BASF (autre multinationale qui produit des multimerdes) qui,
bien que reconnu nocif et donc interdit de production, est encore vendu et utilisé.
Le ministère de lagriculture préfère lui aussi écouler
les stocks de semences enrobées de Régent TS, plutôt que
dordonner leur destruction et de payer des indemnisations ; il ny
a pas de petits profits ; les effets négatifs sur les êtres ne
sont évidemment pas reconnus par lOMS, organisation à la
solde des technocrates.
Plus récemment, des travailleurs immigrés saisonniers se sont
mis en grève pour protester contre des impayés volontaires de
salaires et des conditions de travail dignes desclaves ; non seulement
ils travaillent 50 heures par semaine, mais ils prennent en pleine tête
des humiliations et des pesticides ; ils se plaignent dirritations de
peau et des bronches. La main-doeuvre facilement malléable et sans
protection physique et sociale naccepte pas le temps trop bref
dune grève , les petites et grandes économies des
patrons.
Quant aux campagnes dinformation sur les pesticides et notre santé,
elles indiquent clairement une reconnaissance des risques de nocivité
des produits, et surtout une prise en charge, par lentreprise, de linformation
; toute tentative de réponse ou dattaque publique est alors tuée
dans luf ou menée devant les tribunaux. Quand la désinformation
est un secret de polichinelle... Il faut voir les dernières publicités
sur le cheminement entre le labo, propre et transparent, et le logis tout neuf
et tout poli ; que cest beau lavenir daujourdhui dans
une parfaite cohérence de gestion économico-administrative et
une stratégie de manipulation à toute épreuve.
« Ses recherches (2) ne
doivent pas être prises à la légère. Elles
ne sont pas le fait dun simple bureaucrate angoissé par son
avenir. Elles sont lexpression dune tendance essentielle dans
lévolution de la société actuelle. Celle qui
rêve de rester sourde aux rappels à lordre de la réalité
pour pouvoir continuer un peu plus longtemps sa fuite en avant. Bref,
celle qui veut assurer le triomphe de léconomie sur lhumanité
et assister à la fin de lhistoire. » (3)
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De même, les biocides qui sont des pesticides à usage domestique
comme les désinfectants, les antiparasites, etc. attaquent non
seulement les petits nuisibles, mais aussi les voies respiratoires des utilisateurs.
Les associations du bien-être bourgeois sont par deux fois montées
au créneau contre les détergents et les insecticides, se plaignant
du manque dhomologation, cest-à-dire des limites à
la réduction de la toxicité des produits ; mais elles nont
bien sûr pas demandé leur retrait direct. Les insecticides (anti-cafards,
anti-puces et surtout anti-mites) contiennent bien évidemment des substances
actives dangereuses (le propoxur, le dichlorvos ou le paradichlorobenzène)
qui « pourraient déc-lencher des cancers ». Certaines entreprises
dinsecticides ne produisent pas seulement des anti- cafards, mais aussi
des médicaments ; Bayer, pour ne citer quelle, est en perpétuel
procès contre ses innombrables victimes qui refusent dêtre
le « pourcentage de risque » toléré par lEtat.
Linterdiction des insecticides et des biocides nest pas au programme,
puisque la demande domestique reste forte pour ces lieux confinés (les
foyers) où lhygiène tient une place essentielle dans le
temps et le budget des absorbeurs de particules ; les déchets, toujours
plus nombreux, accélèrent la prolifération des insectes
qui résistent de plus en plus et mutent face à tous ces produits
décapants (aux noms parfois évocateurs, comme linsecticide
Kapo).
Il est donc question, non pas de réduire la toxicité des produits
et encore moins de les interdire, mais dinstaurer car telle est
la tendance une tolérance de toxicité déjà
élevée.
Lutilisation de ces produits dans un contexte civil permet de liquider
des stocks qui ne seront en aucun cas détruits, quitte à les écouler
dans les pays pauvres, voire dans le militaire. Mais les Etats, par le biais
de larmée, nont-ils pas maintes fois utilisé des défoliants
et autres gaz sur des populations résistantes à leur domination
et leur pacification meurtrière ?
Larmée américaine a déversé sur les forêts
vietnamiennes 86 millions de litres dun défoliant contenant de
la dioxine (« lAgent orange ») ; au Vietnam, en Irak ou encore
pendant la guerre dAlgérie, le napalm a été une arme
très violente et très toxique ; au Vietnam, de nombreux cancers
et malformations congénitales apparurent juste après la guerre,
pour ceux qui nétaient pas morts de terribles brûlures sur
le champ. Ces armes chimiques, produites par des chercheurs militaires ou industriels,
ont pour effet de réduire à néant les régions touchées
comme les forêts et les montagnes, dernière échappatoire
pour les populations en fuite ou en armes.
Intoxications individuelles ou collectives, les catastrophes sont inévitables,
étant donné les particules toxiques rassemblées et répandues
par les forces de la nature et du capital ; comme pour la pollution aux métaux
lourds, les méfaits des pesticides touchent les travailleurs des champs,
les villages à proximité et les ouvriers en amont qui manipulent
des produits chimiques hautement toxiques ; ce ne sont donc pas les cols blancs
des grandes compagnies qui verront leur santé péricliter ainsi
que celle de leurs proches, ce quils seraient beaux pourtant la tête
dans le sac.
Les paroles figées et robotisées des industriels, depuis la gueule
enfarinée des médias, nourrissent les discours faux-semblants
; nous savons pour le mercure ou larsenic déversés dans
les rivières, les sols (à Toulouse, AZF), les mers (baie de Minamata,
Japon) et les airs (Seveso, Italie), ou encore les pesticides et détergents
utilisés à grandes pulvérisations pour promettre des fruits
et des sous sur chaque table et dessous de table. Qui continue à voter
alors que ces notables servent dassise à lindustrie, fierté
nationale et internationale ? Qui reprend le travail sans plus de protection
contre les pesticides ? Lorsque ces informations donnent des argumentations
supplémentaires au refus de négocier, de travailler et de croire
à ce quils disent, ne nous laissons pas envahir par cette soporifique
soumission. Et même si les radiations étaient remboursées
par la sécurité sociale, ce ne serait pas une victoire, mais une
tentative supplémentaire dacheter le silence du peuple contaminé
par la monotonie ambiante.
Sortir du nucléaire ou promouvoir un air plus pur est un détail
du tableau gigantesque du bouleversement nécessaire à nos vies
exigeantes et intransigeantes.
Commençons par refuser lordre des choses et sans doute le changement
sera pour bientôt.
les incurables
1) Vincent Liévin : Tous intoxiqués mais le ventre plein, éd.
Labor.
2) Il sagit ici des recherches militaires effectuées dans les années
1990 par Patrick Lagadec (théoricien de la gestion des
crises) sur les gestions de crises et autres risques technologiques pouvant
déstabiliser lordre social.
3) « La risquologie face aux risques du logis », tract de 1992,
signé les impondérables, in Du mensonge radioactif et de ses présuposés,
mars 2004.
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