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Le texte qui suit, traduit de l’américain, présente un panorama très global de la perspective anarcho-primitiviste aux Etats-Unis, une sorte de petit vade-macum. De nombreuses références y sont donc faites à des auteurs ou groupes américains. Il s’agit bien entendu d’un point de vue, celui de l’auteur, John Moore, et pour les lecteurs qui souhaiteraient le confronter à d’autres analyses, ou s’informer plus en détails sur ce courant, sur ses nombreuses ramifications et les inévitables controverses qui le traverse, il existe des sites internet, et quelques revues, abordant en français ces thématiques. Il n’est pas question ici de faire l’exégèse de l’anarcho-primitivisme. Mais il paraissait intéressant de livrer ce texte, car, malgré toutes ses facilités, il a le mérite de présenter cette pensée au regard des autres courants radicaux (bien que de manière assez simpliste), et surtout, d’aborder point par point des questions qu’il n’est pas d’usage de se poser dans la mouvance anarchiste ou anti-technologie hexagonale : entre autres, le rapport aux communautés dites « primitives », le rapport des mouvements radicaux à l’environnement dit naturel (la biosphère), la question d’un futur anarcho-primitiviste, etc. Un tel exercice d’auto-définition porte intrinsèquement ses limites. Chacun/e y fera la part des choses

Technophobie/-- Une Introduction Primitiviste

Note de l’auteur : Ce texte n’est pas une position définitive, tout au plus un apport personnel qui cherche à définir assez globalement ce qu’est l’anarcho-primitivisme. Il ne cherche ni à limiter ni à exclure, mais plutôt à apporter une introduction générale au sujet. Toutes mes excuses pour les inexactitudes, les mauvaises retranscriptions ou les (inévitables) généralisations.

Qu’est-ce que l’anarcho-primitivisme ?

Le terme anarcho-primitivisme (alias primitivisme radical, primitivisme anti-autoritaire, mouvement anti-civilisation, ou juste primitivisme) est un raccourci pour désigner le courant radical qui porte une critique sur la totalité de la civilisation, partant d’une perspective anarchiste, et cherchant à initier une transformation pratique de la vie humaine. Au sens strict, pourtant, il n’existe pas plus d’anarcho primitivisme que d’anarcho-primitivistes. Fredy Perlman, une figure importante de ce mouvement, dit un jour que « le seul nom en –iste dont [il] se réclame est violoncelliste ». Les individus associés à ce courant ne cherchent pas l’adhésion à une idéologie, tout juste cherchent-ils à devenir des individus libres dans des communautés libres, en harmonie les uns avec les autres et avec la biosphère ; pour ceci, ils sont susceptibles de refuser le terme anarcho-primitivisme de même que toute autre étiquette idéologique. Au mieux, l’anarcho-primitivisme est un terme pratique, utilisé pour caractériser divers individus portant un projet commun : l’abolition de tout rapport de pouvoir (structures de contrôle, de coercition, de domination et d’exploitation), et la création d’une forme de communauté qui exclue de tels rapports.

 

 

Pourquoi alors utilise-t-on ce terme pour désigner ce mouvement ?

En 1986, le cercle de personnes autour du journal de Détroit Fifth Estate indiquèrent qu’ils s’étaient engagés dans « le développement d’une analyse critique de la structure technologique de la civilisation occidentale combinée avec la réévaluation du monde indigène et des fondements des communautés primitives et originelles. En ce sens, nous sommes primitivistes », conclurent-ils. Le groupe Fifth Estate cherchait à compléter la critique de la civilisation comme projet de contrôle, grâce à la réévaluation du primitif, qu’ils voyaient comme étant une source de renouvellement et une inspiration pour la pensée anti-autoritaire. Cette réévaluation du primitif prenait forme dans une perspective anarchiste, qui vise à l’élimination des rapports de pouvoir. En désignant « une synthèse émergente de l’anarchisme post-moderne et d’une vision primitive (dans le sens initial) axée sur la Terre, Fifth Estate signalait : « Nous ne sommes pas anarchistes en soi, mais nous sommes pour l’anarchie, ce qui est pour nous une forme de vie totale, incompatible avec le Pouvoir, et nous refusons toute idéologie…

Notre travail dans le Fifth Estate en tant que projet, vise à explorer les possibilités de notre participation à ce mouvement, mais aussi à redécouvrir les racines primitives de l’anarchisme, ainsi qu’à documenter son expression présente. Simultanément, nous étudions l’évolution du Pouvoir en notre sein, pour proposer de nouveaux terrains de contestation et de critique, et afin de miner la tyrannie contemporaine du discours moderne totalitaire ; cette hyper-réalité qui détruit tout sens humain (et en fin de compte toute solidarité), en le stimulant à la technologie. Toute lutte pour la liberté porte en elle un besoin essentiel : retrouver un rapport humain fondé sur l’autonomie, l’intersubjectivité, et un rapport étroit avec son environnement naturel. L’objectif est de développer une synthèse des anarchismes contemporain et primitif ; une synthèse de l’approche écologique, non-étatiste et anti-autoritaire des formes de vie les plus primitives, avec les analyses les plus avancées de l’anarchisme sur les relations de pouvoir. Il ne s’agit ni de singer le primitif, ni de prôner un retour à lui, mais plutôt de voir en lui une source d’inspiration, une des formes de l’anarchisme. Pour les anarcho-primitivistes, la civilisation est le contexte général dans lequel les multiples rapports de pouvoir se développent. Certaines relations de pouvoir sont présentes dans les sociétés primitives, et c’est pourquoi les anarcho-primitivistes ne veulent pas reproduire ces sociétés. Mais c’est dans la civilisation que ces rapports se retrouvent insidieusement imbriqués dans presque tous les aspects de l’existence et de nos rapports avec la biosphère. La civilisation – aussi appelée méga-machine ou Léviathan –, devient une machine gigantesque qui s’auto-engendre et échappe même à ses supposés gestionnaires. Alimentés par les habitudes de la vie quotidienne générées elles-mêmes par des structures internes de servitude, les hommes deviennent esclaves de la machine qu’est la civilisation. Seul un refus généralisé de ce système et de ses formes de contrôle, ainsi que la révolte contre le pouvoir lui-même, peut détruire la civilisation et poser les fondements d’une alternative radicale. Les idéologies comme le marxisme, l’anarchisme classique et le féminisme s’opposent à des aspects spécifiques de la civilisation. Seul l’anarcho-primitivisme s’oppose à la civilisation en tant que contexte dans lequel toutes les formes d’oppression prolifèrent et deviennent insidieuses. L’anarcho-primitivisme intègre ces éléments divers des courants oppositionnels – conscience écologique, anarchisme anti-autoritaire, critique féministe, concepts situationnistes, critique du travail et de la technologie –, mais va au-delà des oppositions à des formes isolées du pouvoir pour toutes les refuser et poser les bases d’une alternative radicale.

En quoi l’anarcho-primitivisme diffère-t-il de l’anarchisme ou des autres idéologies radicales ?

Dans une perspective anarcho-primitiviste, toutes les autres formes de radicalisme apparaissent réformistes, qu’elles se considèrent ou non comme révolutionnaires. Le marxisme et l’anarchisme classiques, par exemple, veulent reprendre le pouvoir au sein de la civilisation, en refaçonner les structures jusqu’à un certain point, et éradiquer ses oppressions et ses abus les pires. Toutefois, 99 % de la vie dans la civilisation demeure inchangée dans leurs scénarios futurs, précisément parce que les aspects de la civilisation que ces idéologies questionnent sont minimaux. Bien que toutes deux veuillent détruire le capitalisme (l’anarchisme veut aussi détruire l’Etat), la structure générale de la forme de vie ne change pas trop. Bien qu’il y ait des changements dans les rapports socio-économiques tel que le contrôle de l’outil de production par les travailleurs ou des conseils de quartier à la place d’un Etat, et quand bien même il y aurait une attention accrue à l’écologie, les structures de base ne changent pas. Le modèle occidental de progrès sera joyeusement entretenu et constituera encore une référence. Essentiellement, la société de masse perdurerait, la plupart des gens travailleraient encore, soumis à des formes de contrôle et de coercition et vivant dans des cadres artificiels et technologisés.
Les idées radicales de gauche cherchent à conquérir le pouvoir, pas à l’abolir. Elles ont produit diverses formes de groupes fermés : cadres, partis politiques, groupes de conscientisation, afin de gagner des convaincus et organiser des stratégies pour prendre le contrôle. Les organisations, pour l’anarcho-primitivisme, sont juste un racket, des gangs qui permettent à telle ou telle idée d’arriver au pouvoir.. La politique en tant qu’« art et science de gouvernement » ne fait pas partie du projet primitiviste ; seule une politique du désir, du plaisir, de la mutuelle et radicale liberté nous intéresse.


Où, pour l’anarcho-primitivisme, remonte l’origine du pouvoir ?


C’est une source de débat pour les anarcho-primitivistes. Perlman voit dans la création d’institutions impersonnelles ( ou relations de pouvoir abstraites) le moment où l’anarcho-primitivisme commence à être disloqué par des relations sociales civilisées. Pour John Zerzan, c’est l’apparition de médiations symboliques (nombre, langage, heure, art, et plus tard, agriculture) qui annonce la transition entre liberté humaine, et stade premier de la domestication. L’attention aux origines est importante pour l’anarcho-primitivisme, parce que le primitivisme cherche, de manière exponentielle, à relever, à défier et à abolir les multiples formes de pouvoir qui structurent l’individu, les relations sociales et celles avec l’environnement naturel. En localiser l’origine est un moyen d’identifier ce qui peut être préservé de ce qui doit être détruit, si les relations de pouvoir sont à abolir après la chute de la civilisation.

 

 

Quel type de futur est envisagé par l’anarcho-primitivisme ?

Le journal anarcho-primitiviste Anarchy, a Journal of Desire Armed, envisage un futur « radicalement coopératif et communautaire, écologiste et féministe, spontané et sauvage », et ceci est probablement la meilleure description que vous obtiendrez ! Il n’y a pas de plan, pas de structure préétablie, et il est important d’insister sur le fait que le futur envisagé n’est pas un stéréotype primitif. Comme le disait Fifth Estate en 1979 : « Laissez-nous anticiper les critiques qui diront de nous que nous voulons retourner à l’âge des cavernes, ou que nous posons (profiter du confort de la civilisation tout en étant sa plus féroce critique). Nous ne disons pas que l’âge de pierre est un modèle à notre utopie pas plus que nous ne suggérons le retour à la chasse et cueillette comme seule forme de vie. »

Comme une correction à cette confusion commune, il est important de rappeler que le futur envisagé par l’anarcho-primitivisme est sui generis – sans précédent. Bien que les cultures primitives apportent des indices pour le futur, et ce futur pourrait bien incorporer des éléments dérivés de ces cultures, un monde anarcho-primitiviste est susceptible d’être bien différent des formes précédentes de l’anarchisme.

Comment l’anarcho-primitivisme voit-il la technologie ?

John Zerzan définit la technologie comme étant « l’ensemble de la division travail, production, industrie, et son impact sur nous et sur la nature. La technologie est la somme des médiations entre nous et la biosphère, et entre nous et les autres. C’est la peine et la souillure requises pour produire et reproduire le stade d’hyper-aliénation dans lequel nous moisissons. C’est la matière et la forme de la domination, à n’importe quel stade de la hiérarchie. » L’opposition à la technologie est donc une composante importante de la pratique anarcho-primitiviste. Toutefois, Fredy Perlman déclare que la technologie n’est autre que « l’armure du Léviathan, ses griffes et ses dents ». Si les anarcho-primitivistes sont tous opposés à la technologie, il y a débat sur sa centralité dans le processus de domination de la civilisation. Une distinction devrait être faite entre outils (ustensiles, instruments) et technologie. Perlman montre que les primitifs développent toutes sortent d’outils et d’instruments, mais jamais de technologie : « Les objets matériels, les cannes et les canoës, les bâtons creusés et les murs, étaient soit des choses que les individus pouvaient fabriquer, soit des choses (les murs) que plusieurs pouvaient fabriquer, en coopération, dans un temps donné…La plupart des instruments sont anciens, et les surplus [surplus matériels, que ces instruments rendaient possibles] étaient accessibles dès les premiers temps, mais ceci ne donna naissance à aucune institution impersonnelle. Ce sont des gens, des être vivants, qui donnèrent lieu aux deux. » Les outils sont des créations localisées, sur des échelles réduites, les produits soit d’individus, soit de petits groupes lors d’occasions spécifiques. En tant que tels, ils ne sont pas le fondement de systèmes de contrôle et de coercition. D’un autre côté, la technologie est le produit d’un système à grande échelle, où s’imbriquent extraction, production, distribution et consommation ; de tels systèmes génèrent de fait leur propre impulsion et leur propre dynamique, et nécessitent des structures de contrôle et d’obéissance de masse – ce que Perlman appelle les institutions impersonnelles. Comme le soulignait Fifth Estate en 1981 : « La technologie n’est pas qu’un outil qui pourrait être utilisé comme nous l’entendons. C’est une forme d’organisation sociale, un ensemble de relations sociales. Si nous l’utilisons, nous devons accepter son autorité. Sa taille gigantesque, son système complexe d’interconnexions et de stratification des tâches, qui caractérisent les systèmes technologiques modernes, font de l’impératif autoritaire une nécessité, et de la prise de décision individuelle et indépendante, une impossibilité. »
L’anarcho-primitivisme est un courant anti-systémique. Il s’oppose à tous les systèmes, institutions, abstractions, à l’artificiel, au synthétique et à la machine, puisqu’ils portent en eux la relation de pouvoir, d’autorité. L’anarcho-primitivisme s’oppose donc à la technologie, mais pas à l’usage d’outils et d’instruments, dans les sens précédemment admis. Pour ce qui est de savoir si de quelconques formes de technologie seront appropriées dans un monde anarcho-primitiviste, il y a débat, aussi, là-dessus. Fifth Estate remarquait, en 1979 : « Ramenées à leurs fondements les plus simples, les discussions à propos du futur devraient être orientées vers ce que nous désirons socialement, et, de là, doivent déterminer ce qui est technologiquement possible. Nous voulons tous le chauffage central, pouvoir tirer la chasse, et la lumière électrique, mais pas au prix de notre humanité. Peut-être seront-ils possibles, mais peut-être pas. »

Et à propos de la médecine ?

In fine, l’anarcho-primitivisme cherche à trouver des cures – des cures aux gouffres qui traversent les individus, qui les séparent des autres et de leur environnement naturel, gouffres qui se sont ouverts tout au long de l’histoire de la civilisation, de l’histoire du Pouvoir, devenus « physiques », notamment à travers l’Etat, le Capital et la technologie. Le philosophe allemand Nietzsche disait que la douleur, et la manière de la considérer, devrait être au cœur de toute société libre, et pour cette considération, il avait vu juste. Les individus, les communautés, et la Terre, ont été mutilés à des degrés différents par les relations de pouvoir caractéristiques de la civilisation. Les gens ont été amputés psychologiquement, mais aussi physiquement agressés par la maladie ! Nous ne suggérons pas que l’anarcho-primitivisme pourrait abolir la douleur, le malheur et la maladie !


 

Mais la recherche a maintenant largement révélé que beaucoup de maux sont la conséquence de nos conditions d’existence «civilisées», et que si ces conditions étaient détruites, certains maux, certaines douleurs et certaines maladies, pourraient tout simplement disparaître. Pour ce qui est du reste, un monde qui placerait la douleur en son centre serait alors assez vigoureux dans sa quête à l’apaiser, et à trouver des moyens de la traiter.

C’est dans ce sens que l’anarcho-primitivisme s’intéresse beaucoup à la médecine ; parce que la recherche aliénante et ultra-technologisée de la médecine occidentale n’est pas la seule forme de médecine possible. La question de ce en quoi elle pourrait consister dans un futur anarcho-primitiviste dépend, comme le précisait Fifth Estate dans son commentaire sur la technologie, de ce qui sera possible et de ce que les personnes désireront, sans compromettre la forme de vie d’individus libres dans des communautés libres et écologiquement axées. Alors, comme pour le reste, il n’y a aucune réponse dogmatique à ce sujet.

Et la population ?

Une controverse de plus : il n’y a pas de consensus parmi les anarcho-primitivistes. Certains disent que la réduction de la population ne serait pas nécessaire ; d’autres, en considération de l’impact de l’homme sur son environnement et/ou du mode de vie suggéré par les anarcho-primitivistes, disent que si. Georges Bradford, dans How Deep is Deep Ecology, argumente que le contrôle féminin de la reproduction ferait baisser considérablement la natalité. Le point de vue personnel de l’auteur de ce texte est que la population devrait êtremoindre, mais que ceci adviendrait naturellement. Quand les gens meurent, ils ne sont pas tous «remplacés», par conséquent la population baisse, et finalement se stabilise. Depuis longtemps, les anarchistes disent que dans un monde libre, la pression sociale, psychologique et économique pour la reproduction n’existerait pas. Il y aurait tellement d’autres choses passionnantes en cours pour ne pas prendre ce temps-là aux gens ! Les féministes, quant à elles, ont dit par le passé que les femmes, libérées des contraintes genrées de la structure familiale, ne seraient pas définies par leur capacités reproductives comme elles le sont dans la société patriarcale, et ceci aurait pour résultat indéniable de mener à une baisse de la population. Bon gré mal gré, la population chuterait. Après tout, comme disait Perlman assez simplement, l’augmentation de la population est un pur produit de la civilisation : « La hausse régulière du nombre des hommes est aussi persistante que le Léviathan lui-même. Ce phénomène ne semble exister que parmi les “léviathanisés”. Les animaux, de même que les hommes à l’état de nature, n’accroissent jamais leur nombre au point de jeter tous les autres dehors. » Il n’y a alors aucune raison de penser que la population mondiale ne devrait pas se stabiliser une fois que les rapports sociaux “léviathanesques” seront abolis, et que l’harmonie communautaire sera rétablie. Ignorez les fantaisies bizarres répandues par certains des commentateurs hostiles de l’anarcho-primitivisme, qui suggèrent que les niveaux de population envisagés par les anarcho-primitivistes devraient être atteints au prix de meurtres de masses ou de camps d’extermination. Ce sont des tactiques minables. L’engagement de l’anarcho-primitivisme à abolir tout rapport de pouvoir, y compris l’Etat, son administration et son appareil militaire, ainsi que tout type d’organisation ou de parti, implique concrètement que ce type de pratiques massives resteraient impossibles, si elles n’étaient pas, avant tout, juste des perspectives monstrueuses.

Comment un futur anarcho-primitiviste verrait-il le jour ?

La question à 64 000 dollars ! (pour user d’une métaphore plus que douteuse). Il n’y a pas de règles strictes et rapides ici, pas de plan…La réponse un peu spécieuse, que certains voient comme une rhétorique facile, est que les luttes se transformeront en révoltes. Ceci est vrai, mais pas vraiment pratique ! Le fait est que l’anarcho-primitivisme ne cherche pas le pouvoir, ne cherche pas à prendre l’Etat, à reprendre les usines, à faire des convaincus, à créer des organisation politiques ou diriger les gens. A la place, il vise à ce que les gens deviennent des individus libres dans des communautés libres qui interagissent entre elles et avec la biosphère qui est leur habitat. L’anarcho-primitivisme cherche donc une transformation sociale, une transformation de l’identité, des formes de vie, des formes d’existence et de communication. Ceci signifie que les moyens connus et appliqués des idéologies de prises de pouvoir ne sont simplement pas pertinents pour le projet de l’anarcho-primitivisme, qui cherche à abolir toute forme de pouvoir. Alors, de nouvelles formes de vies, d’être, d’agir, de s’approprier et de vivre selon l’anarcho-primitivisme sont à trouver, à développer. Ceci est un processus dynamique, c’est pourquoi il n’y a pas de réponse facile.

Que faire ?

A présent, beaucoup s’accordent à dire que les communautés de résistance sont un élément important du projet de l’anarcho-primitivisme. Le mot communauté est galvaudé ces jours-ci, des manières les plus absurdes (la communauté économique), précisément parce que les communautés originelles ont été détruites par l’Etat et le capital. Certains pensent que si les communautés traditionnelles, fréquemment source de résistance au pouvoir, ont été détruites, la création de communautés de résistances – communautés formées par des individus ayant la résistance comme préoccupation commune – sont un moyen de recréer les bases pour l’action. Une vieille idée anarchiste veut que le nouveau monde doive prendre naissance à l’intérieur de la coque de l’ancien. Ceci signifie que lorsque la civilisation s’écroule, par ses contradictions trop importantes, par nos efforts, ou par une combinaison des deux, il y aura une alternative attendant de prendre la place.

Ceci est une nécessité, car en cas d’absence d’alternatives positives, le séisme social provoqué par un effondrement pourrait aisément être le terreau psychologique et social dans lequel fascisme et totalitarisme s’épanouissent. Pour l’auteur, cela signifie que les anarcho-primitivistes doivent créer des communautés de résistances – des microcosmes (autant que possible) pour le futur à venir. A la fois en ville et au dehors. Ces communautés doivent être l’origine d’actions (en particulier d’actions directes), mais aussi des lieux d’expérimentations pour la création de nouveaux modes de penser, de se comporter, de communiquer et d’être, ainsi que de nouvelles éthiques, en un mot, une culture émancipatrice. Elles doivent devenir des endroits où les gens peuvent découvrir leurs vrais désirs et plaisirs, et, selon le vieil adage anarchiste de l’exemple : montrer aux autres par le fait que d’autres formes de vie sont possibles. Il y a toutefois beaucoup d’autres possibilités à explorer. Le type de monde envisagé par l’anarcho-primitivisme est sans précédent dans l’Histoire, tant au niveau de l’intensité que du type de liberté recherchée. Il ne peut y avoir aucune limite aux formes de résistance et d’insurrection à venir. Ce que nous envisageons réclamera tellement de pensées et d’actions innovantes.

John Moore

 

 

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